vendredi 6 août 2010

22/07/2010 – Itacaranha, Salvador da Bahia, Brésil



Je loge chez Zulmira, la mère d'une Brésilienne rencontrée par Julie et Diego à Franckfort. Zulmira est un peu mystique. Elle a déjà vu Diego dans sa tête avant qu'il n'arrive, il descendait du ciel avec des ailes d'ange. Julie, elle, va se noyer si elle prend le bus avec un chapeau noir sur la tête, Zulmira le sait, elle l'a vu en rêve. Quant à moi, elle me connait moins bien et est moins bavarde mais je suis « sábia » (Zulmira connait-elle le grec ?) et elle m'a déjà vu, dans une autre vie peut-être, elle connait mon visage.







Ici, la terre est rouge et le vert foisonne.








C'est incroyable, le Brésil t'accueille à bras ouverts. Mon arrivée ne s'est pas faite en douceur, dans la torpeur habituelle des premiers jours de voyage. A peine quelques minutes après avoir posé le pied sur le sol bahianais, je bois déjà une água de côco avec un vieux monsieur noir qui me raconte ses années passées. Rubens, était chauffeur de taxi à l'époque. Quelques minutes encore et j'avale toutes les couleurs qui défilent par la fenêtre de sa voiture. Trente ans comme chauffeur et il ne sait pas conduire, ça va trop vite, c'est agréable. La première image que je me fais du Brésil, des routes bordées par des couleurs que j'absorbe. A moins que ce ne soient elles qui me dévorent.



Paripe, Salvador


Le Brésil est anthropophage m'avait-on prévenu. Le Brésil dévore.


Le mouvement anthropophage était une manifestation artistique brésilienne des années 20. Basé sur le Manifeste anthropophage écrit par Oswald de Andrade, le mouvement anthropophage (cannibalisme) brésilien avait comme objectif la déglutition de la culture de l'étranger, de celle des amérindiens, des afrodescendants et des eurodescendants. On ne doit pas nier la culture étrangère mais elle ne doit pas être imitée. On absorbe et on déglutit la culture métissée.


Julie est malade, Zulmira lui fait boire une infusion de laurier. Elle est très prévenante avec nous. Elle cerne vite les caractères je crois. Moi j'ai l'air douce mais au fond « papapá » (exclamation accompagnée de coups de poings dans le vide). Quelque chose comme ça. J'ai l'impression que les Brésiliens aiment connaître les gens. En profondeur. Quel est ton signe astrologique, est-ce que tu aimes ça ? Ils t'écoutent vraiment, au fond. Et ne sont pas en train de discuter avec toi pour passer le temps ou multiplier les connaissances mais pour découvrir l'altérité, ce qui est différent chez toi. Ce n'est pas une généralité, bien sûr, et j'imagine qu'il y a des limites – au niveau religieux notamment. Mais ça reste agréable qu'on cherche à savoir qui tu es.


Hier soir, nous sommes allés voir le groupe d'Elberte – un ami d'Edison, un ami du petit fils de Zulmira que je ne connais pas – répéter dans un petit studio du centre de Salvador près du Pelourinho. C'est beau, vieille architecture coloniale, pleine de couleur. Le rose, le vert, le jaune se mêlent dans craindre le mauvais goût. Je n'en ai pas vu tout l'éclat, le soleil se couche à 18h tous les jours. Un peu trop carte postale au final ? Je crois que je préfère l'animation des rues des quartiers de la banlieue.


Les gens nous aiment bien, « gosto muito de vôces três ». Il n'hésitent pas à le dire. Je ne sais pas encore quels mots utiliser pour leur dire que je ne peux que les apprécier et que tout ce que je vois me touche.


Zulmira chante, viens m'allumer la lumière. « Obrigada ». Ce n'est pas pour être remerciée que je fais ça, c'est pour Dieu le père. Je souris. Zulmira est évangéliste. Elle parle de Dieu souvent, en pleure parfois. Elle a peur de l'endroit où elle vit, elle est seule avec sa fille, elle n'aime pas qu'il n'y ait personne près d'elle quand elle dort. Diego m'a dit qu'elle avait eu 5 maris et 21 hommes au total dans sa vie. Elle me parle facilement de sexualité. L'une de ses filles « aime trop ça » ce qui la rend instable. Un peu compliqué de tout comprendre lorsqu'elle me parle. Mais aujourd'hui elle est trop vieille pour se remarier et elle préfère rester seule. Elle parle avec une voix basse et un peu trainante.





La terre est rouge, tout s'assombrit, le ciel est bleu gris. La nuit tombe. Il est 17h30.


Edison a une très jolie voix, grave. Il est grand, élancé, la peau très sombre.


Nous sommes allés nous promener avec Diego. J'étais restée avec lui et Zulmira pendant qu'Edison et Julie faisaient les courses parce qu'elle nous a expliqué que sa congrégation n'acceptait pas qu'un homme reste seul avec une femme à l'intérieur.

Nous avons trouvé l'océan. J'ai pensé que son contact était différent. Depuis l'Europe, l'Atlantique a le goût des explorateurs. Depuis le Brésil, c'est le goût de la nostalgie. Mais il reste l'Afrique. Quelques photos sous un ciel gris puis des enfants qui se cachent devant les gringos, qui rient. On leur parle un peu, le langage universel « jogamos futebol ? ». Ils courent chercher le ballon et pieds nus, en pleine rue, à côté des ordures qui jonchent le sol entre les rails de train et les maisons défraichies, Diego joue avec eux. Moi je regarde, je prends des photos, je souris.




Edison ne rentre chez lui que pour dormir. Sinon, il reste toute la journée chez Zulmira ou avec nous. Je ne sais pas s'ils sont de la même Eglise (en fait, lui est témoin de Jéhovah). Nous avons un peu parlé de religions. « Tenho uma espiritualidade mas não acredito em Deus ». Maintenant, Zulmira veut moi aussi m'emmener au culto na Igreja.


On me dévisage dans la rue et moi même je dévisage ceux qui sont trop blancs de peau.




Et Iemanjá a du chagrin




6 commentaires:

  1. Le récit détaillé de ton séjour fait plaisir à lire. Décidément, j'aime beaucoup ton écriture et ton regard sur le monde, j'adore en particulier cette phrase: "Trente ans comme chauffeur et il ne sait pas conduire, ça va trop vite, c'est agréable".
    Vite, la suite!

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  2. Sophia, je dois te mettre en garde : tu as déjà des problèmes pour faire la part des choses, et ce ne sont pas des compagnons irrationnels, même s'ils sont gentils, qui arrangeront ce problème là chez toi.

    Pour avoir fréquenté des évangéliques, je sais qu'ils peuvent être très sympathiques et d'une grande attention. Sauf si on passe son temps à leur répéter, en vain, en quoi ils ont tort, dès que l'occasion se présente, c'est-à-dire souvent. Comment peux-tu être sûr que Dieu existe ? Comment peux-tu être sûr que tout ce qu'il y a dans la Bible est vrai et que tout ce qu'il y a dans la Bible est moral ? (Ca c'est ce qui me choque le plus, cette absence totale de discernement, l'épistémologie ça doit pas leur parler.) D'ailleurs, comment peux-tu être sûr que ce n'est pas le diable qui l'a écrit, ce livre ? Ou tout simplement des êtres humains ? Etc, etc.

    Que j'aille donc faire un peu de nettoyage, ce ne sera pas à 100 % comme la dernière fois, j'essaierai juste ici de corriger l'essentiel. Que tu comprennes bien que ce n'est pas pour te blesser, mais tout simplement pour éviter que tu tombes dans certaines erreurs. Je n'ai pas envie de te voir devenir... Oh, je n'ose même pas imaginer.

    "Zulmira est un peu mystique."

    Pas tout à fait en rapport avec la citation, mais il faut en parler. Mystique ? Je te parie 70€ que les expériences mystiques sont une forme d'hallucination. Si je mise autant c'est bien parce que je suis sûr de ne pas perdre mon pari : libre à toi de le relever ou non.

    Ce que j'entends par là ? Une hallucination c'est une "sensation" qui vient de l'intérieur, du cerveau, mais que l'on croit venir de l'extérieur. Je mets "sensation" entre guillemets parce que je préfère garder ce mot pour ce qui nous connecte à la réalité extérieure et au reste du monde.

    Critère du pari perdu (pour moi) : accumulation conséquente d'indices qui plaident pour une origine extérieure du phénomène. Par exemple, le fait que lorsqu'un ange apparaît devant quelqu'un, il apparaît aussi devant les autres.
    Critère du pari gagné (pour moi) : accumulation conséquente d'indices qui plaident pour une origine intérieure du phénomène. Par exemple, le fait que l'expérience mystique s'est faite après l'ingestion de substances hallucinogènes (shit, alcool...), et que la personne ayant eu cette expérience était la seule à voir la chose mystique en question.

    "Julie, elle, va se noyer si elle prend le bus avec un chapeau noir sur la tête, Zulmira le sait, elle l'a vu en rêve. "

    C'est pas parce qu'elle l'a vu en rêve qu'elle le sait. Il y a une énorme différence entre croire et savoir : quand on sait quelque chose, c'est vrai. Quand on croit quelque chose, ça peut être vrai, mais ça peut aussi être faux. Ca dépend de la chose.

    [J'ai l'impression de faire un cours de maternelle mais il va bien falloir que je m'y fasse, après tout t'es pas la seule à ignorer le B.A.ba, hélas...]

    "et elle m'a déjà vu, dans une autre vie peut-être, elle connait mon visage."

    Petite mise au point sur la réincarnation et les vies antérieures. Je ne me rappelle de rien avant que je sois né. Rien du tout. Si j'étais déjà vivant avant d'être né, je m'en rappellerais ! Une autre vie, ça doit pas s'oublier comme ça !

    [la suite...]

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  3. "Le mouvement anthropophage était une manifestation artistique brésilienne des années 20. Basé sur le Manifeste anthropophage écrit par Oswald de Andrade, le mouvement anthropophage (cannibalisme) brésilien avait comme objectif la déglutition de la culture de l'étranger, de celle des amérindiens, des afrodescendants et des eurodescendants. On ne doit pas nier la culture étrangère mais elle ne doit pas être imitée. On absorbe et on déglutit la culture métissée."

    Ce n'est pas toi qui l'a écrit, mais cela importe peu vu que le but est que tu cernes un peu mieux certaines erreurs de pensée.

    "la déglutition de la culture de l'étranger, de celle des amérindiens, des afrodescendants et des eurodescendants."

    Deux possibilités :

    1 : ça ne veut rien dire. Une culture étrangère, c'est pas comme du chocolat, ça ne s'avale pas.
    2 : ça veut dire quelque chose. Dans ce cas là je n'ai pas compris : certaines métaphores sont suffisamment bien faites pour qu'on devine avec succès l'élément commun qu'elles veulent mettre en avant avec esthétisme, ce n'est pas le cas ici. Ca fait pas non plus partie des métaphores qui sont répertoriées chez moi, soit je manque cruellement d'expérience en la matière, soit la compréhension de cette métaphore présentée telle quelle n'est pas à la portée du commun des mortels. Mon petit doigt me dit que de toute façon, la moindre des choses c'était d'expliquer, ce que l'auteur ne fait pas.

    "On ne doit pas nier la culture étrangère mais elle ne doit pas être imitée."

    Sans transition, je considère que c'est l'auteur qui parle et qui dit ici ce qu'il pense. Ces propos ressemblent beaucoup au credo du mouvement anthropophage : l'auteur en ferait-il partie ? Si oui, il aurait du dire : "Je suis de ce mouvement.", et il aurait pu enchaîner sur la suite, en rappelant que ce qu'il dit n'est pas propre à lui mais au mouvement anthropophage : "Je pense donc qu'on ne doit pas nier la culture...car ainsi pense le mouvement.". Ou alors il aurait pu faire plus simple : "Selon ce mouvement, et ce sera dans ce contexte là que je me baserai ici, (et auquel j'adhère/sans toutefois y adhérer (pleinement))".

    [la suite...]

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  4. "Elle cerne vite les caractères je crois."

    Ca c'est intéressant. Qu'est-ce qui te fait croire ça ?

    "Ce n'est pas pour être remerciée que je fais ça, c'est pour Dieu le père."

    Non mais quel sexisme !

    "Je ne sais pas s'ils sont de la même Eglise (en fait, lui est témoin de Jéhovah)."

    Une recherche rapide sur Google te permettrait d'avoir la réponse à ta question. Je ne sais pas si tu disposes d'un accès à Internet rapide là où tu es, mais si c'est le cas, n'hésite pas à ouvrir un petit onglet et à faire une recherche Google dès que tu vois un mot que tu comprends pas, le nom d'un film que tu ne connais pas... A la moindre curiosité, "Google is your best friend" (si tu as l'accès à haut débit, bien sûr...)

    La réponse (je te la donne au cas où) : non. Les deux se considèrent comme chrétiennes, les deux considèrent, par pure croyance, que tout ce qu'il y a dans la Bible est vrai, et que tout ce qu'il y a dans la Bible est moral.
    Ce qui les différencie ? Je dirais surtout que les évangéliques et les témoins de Jéhovah n'ont pas les mêmes habitudes.

    Attention, une partie de ce qui va suivre ici peut relever du préjugé voire du cliché, à toi de voir ce qu'il en est réellement :

    Evangéliques : protestants ; plus proches de Jésus ; contre l'avortement ; pensent que l'homme et les dinosaures ont déjà vécu ensemble (en fait c'est encore pire que ça...) ; utilisent des couvertures pseudo-scientifiques jusqu'à l'obstination pour prouver l'improuvable (dans la veine de l'"Intelligent Design") ; font de la messe spectacle dans des églises en forme d'amphithéâtre, avec mouvements de foules, production de "miracles", pensent que la conversion individuelle doit se faire par "une appropriation personnelle du salut"

    Les couvertures pseudo-scientifiques permettent d'attraper au piège certaines personnes qui croient que la science est infaillible alors qu'ils ne savent pas du tout ce que c'est. Au contraire, une des premières choses qu'on doit avoir en tête quand on a l'esprit scientifique, c'est que tout le monde est faillible, même ceux qu'on appelle les scientifiques. C'est pour ça que je pense qu'il faut s'en méfier comme de la peste, et toujours avoir un doute.

    Témoins de Jéhovah : font du porte à porte, à deux et en étant très courtois et très patients, très souvent avec échec, pour trouver de nouveaux membres ; moins grand public, plus dans l'intimité ; insistent sur l'Apocalyse, qu'ils appellent "Armageddon", sur la destruction par Dieu de tous ceux qui n'étaient pas témoins de Jéhovah à ce moment là, sur la conversion en témoin de Jéhovah comme seule possibilité de salut ; un dogme beaucoup plus rigide dans la vie de tous les jours

    Lorsqu'on est dans la misère et désespéré, on est capable de trouver refuge n'importe où, y compris les plus grossières illusions. La photo avec le ballon de football m'y fait penser : on n'en n'a toujours pas fini avec la religion comme opium du peuple.

    Franchement Sophia, évite de faire n'importe quoi.

    Antinomos, qui fout en l'air les normes et les dogmes qui n'ont pas raison d'être ! Wouhou !

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  5. Franchement Sophia c'est pas sérieux, tu racontes n'importe quoi ! Tu provoques l'excitation d'un type ultra savant alors que t'y connais rien ! La prochaine fois garde tes réflexions pour toi et dit à tes compagnons irrationnels d'en prendre de la graine !

    A propos j'aime être irrationnelle, ça m'évite de m'emmerder.

    Julie !

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  6. Qu'est ce qui pousse un anonyme à porter son point de vue avec une telle violence?
    A t-il des comptes à régler avec le genre humain dans son ensemble ou plus particulièrement avec Sophia?
    Je m'interroge....
    Adopter une telle position de rivalité, sur des propos qui traitent du ressenti personnel d'une personne sur son expérience, ne vise qu'à blesser et non à faire cheminer l'autre.
    Pour moi cela reste une énigme
    Marie

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